samedi 25 juillet 2009

Les Instants en suspens

Le jeudi 2 juillet 2009 nous apprenions brutalement que le solde de la subvention de fonctionnement du Conseil général de Seine-Saint-Denis allouée à notre association était amputé de 25.000 €, soit une baisse de plus de 19%. À celle-ci se cumule la baisse de la subvention municipale de 7.000 €. En début d’année, la ville de Montreuil nous avait annoncé une diminution de 15.000 €, ramenée fin juin à une hauteur de 7.000 €. 
C’est donc 32.000 € qui nous ont été retirés pour 2009.

Ces baisses de financement nous contraignent à annuler dans son intégralité la saison d’automne: concerts, projections vidéo et exposition. Le maintien même a minima d’une programmation nous entraînerait dans un déficit budgétaire que nous ne pouvons pas nous permettre.

Nous nous interrogeons sur le choix et les modalités de la décision du Conseil général et ignorons à ce jour sur quels diagnostics et analyses elle se base. Nous déplorons également l’excessif retard de cette décision.

Les façons de faire du Conseil général laissent à penser qu’il opte de façon délibérée pour une politique de fragilisation de l’association avec pour conséquence une asphyxie progressive mettant en danger l’avenir des Instants Chavirés. Comment envisager une programmation en 2010 dans ces conditions ?

«Il faut mettre l’art là où il est indispensable, c’est-à-dire partout»
Claude Lévêque, plasticien.

Nous affirmons qu’un lieu culturel intermédiaire comme les Instants Chavirés est un outil de complémentarité aux institutions : il contribue à la diversité de la proposition culturelle et joue un rôle fondamental dans l’accompagnement de l’émergence artistique depuis 18 ans. Y a-t-il encore une volonté politique de pérenniser dans le département de Seine-Saint-Denis et sur la ville de Montreuil, un lieu de diffusion et de production de renommée internationale axé sur la création contemporaine, aussi modeste soit-il ?

Nous demandons la mise en place d’une table ronde avec l’ensemble de nos interlocuteurs institutionnels pour assainir une relation partenariale déliquescente. Il est primordial de redéfinir ensemble les cadres financiers, au regard de la singularité de notre engagement artistique et de notre spécificité géographique et structurelle.

Nous vous invitons à signer la pétition en ligne (http://instants.mollo.fr), et à nous envoyer un courrier à l’attention de M. le Président du Conseil général de Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone et/ou de Mme la Maire de Montreuil, Dominique Voynet, afin de leur signifier ce que représentent les Instants Chavirés dans le paysage culturel français et international, et exprimer votre attachement à la pérennité de ce projet.

Vous pouvez nous les adresser par email à l’adresse : soutiens[at]instantschavires.com, ou par courrier aux Instants Chavirés, 7 Rue Richard Lenoir 93100 Montreuil, nous ferons suivre aux intéressés.

Merci de diffuser ce communiqué le plus largement possible autour de vous

Association Muzziques – les Instants Chavirés

lundi 20 juillet 2009

Nuit magique à Dijon

Magnifique mix musical au festival Mégaphone

Faisant s’entrecroiser, en divers points de la ville, les ?uvres d’Anthony Braxton, George Crumb, György Ligeti ou Phill Niblock, et des performances de Lydia Lunch, Sir Alice ou Bérengère Maximin, le nouveau festival Mégaphone, à Dijon, développe une vision panoramique de la musique... tout en préfigurant ce que pourraient être les festivals de musique de demain.


Intitulée « Echappées sonores », et entamée à 18h avec un concert de Geneviève Foccroulle, cette soirée allait proposer, jusqu’à 3 heures du matin, un voyage musical sans guère de temps mort, et souvent à très haute altitude – tirant parfaitement profit, en outre, du riche patrimoine architectural de la cité bourguignonne. 
La pianiste belge s’était faite remarquer, il y a quelques années, en enregistrant l’intégralité de l’œuvre écrite du jazzman Anthony Braxton, soit huit heures de musique composée entre 1968 et 2000 (éditées en disque par Leo Records). Ce multi-instrumentiste qui fit longtemps partie de la fameuse AACM de Chicago est le compositeur d’une œuvre pour piano foisonnante et inégale, qui explore principalement deux directions : le jeu sur les contrastes (avec des alternances de passages d’obédience dodécaphoniques, de clusters fortissimos, et de passages plus étals et éthérés pouvant faire songer à Morton Feldman), et le théâtre musical ; nombre de ces compositions sont ainsi accompagnées de texte ou d’indications gestuelles que Geneviève Foccroulle, qui en proposa un florilège durant une heure et demie, exécute avec un appétit ludique et une virtuosité jamais prise en défaut. Tout en tensions/détentes, ce récital était une mise en bouche tout indiquée pour cette soirée polymorphe.

A 19h30, c’était au tour de Cannibales & Vahinés de s’emparer de la Ferronnerie, petit atelier désaffecté dans lequel le festival a élu ses quartiers. Ce trio composée de Marc Demereau (saxophones, électronique, voix), Nicolas Lafourest (guitare) et Fabien Duscombs (batterie) dispense une musique elle aussi tout en contraste, un free-rock parsemé d’accents no wave (de Blurt à Sonic Youth), d’inflexions jazz ou ethniques, tantôt motorique, tantôt flottant, toujours tranchant. Belle présence scénique, belle énergie qui électrisent le public malgré la chaleur encore vive.

Cap ensuite sur le « Village du festival », et plus précisément le splendide cloître des Bernardines, que Bérengère Maximin vient peupler d’un monde de sonorités étranges. Cette jeune compositrice remarquée, l’an passé, avec un premier album publié par le prestigieux label Tzadik de John Zorn (voir chronique sur ce site), dispense une musique électroacoustique très narrative et mélodique, qui ferait presque songer par moments à certains disques de la collection « Made To Measure » proposée par Crammed Discs dans les années 1980. Bruits environnementaux, bribes de voix sertissent une matière sonore qui, sous le ciel s’étoilant, noue ce soir-là un étonnant dialogue avec les oiseaux perchés dans les arbres du cloître. On ne sait plus si les piaillements s’échappent des haut-parleurs ou des branches des arbres, si la musique se fond dans l’espace ou, au contraire, en aiguise les contours.

Une parfaite préparation pour ce qui devait constituer le sommet de cette soirée : toujours aux Bernardines, le concert du Quatuor Béla, jeune formation lyonnaise qui se plaît à cultiver une approche panoramique de la musique : en témoignent par exemple ses collaborations avec Albert Marcœur (dont les musiciens interpréteront ce soir-là une composition en rappel), mais aussi la manière à la fois décomplexée et éminemment sensible dont il aborde le répertoire savant contemporain. Ce concert – une heure et quelque de temps suspendu – constitue ainsi une magistrale illustration de ce que nous disions plus haut au sujet de cet aspect « rituel » qui, parfois, fait écran à la réception des œuvres contemporaines ; et le meilleur exemple de la manière dont on peut, aujourd’hui, donner à entendre autrement ce répertoire.


Après un concert aussi monumental, l’intervention de Didier Aschour était le meilleur moyen de ne pas quitter trop rapidement ces hautes sphères. Dans le Jardin de la nef, au pied d’une église, le guitariste interprétait Sethwork, brève pièce pour guitare et électronique signée Phill Niblock, l’une de ces figures inclassables de la musique américaine que Didier Aschour affectionne (lui qui a notamment pu jouer des œuvres de Harry Partch ou James Tenney) : armé de son instrument dont il fait vibrer les cordes au moyen d’un e-bow, il échafaude, une vingtaine de minutes durant, un long drone, empilant grâce à une pédale les couches de son, naviguant du plus grave au plus aigu, du plus dense au plus ténu. 

Pour clôturer la soirée dans le bruit et la fureur, le public avait ensuite rendez-vous à l’abri de La Vapeur, la « SMAC » de Dijon. Devaient s’y succéder deux performeuses hautes en couleurs, histoire d’achever de placer cette soirée sous le signe des contrastes extrêmes : Lydia Lunch tout d’abord, légende de l’underground new-yorkais récemment remise en selle via sa collaboration avec Philippe Petit, Marseillais bien connu pour diriger depuis tout juste 10 ans le label Bip_hop et pour avoir initié le projet Strings Of Consciousness (dont nous vous parlions dans Mouvement n° 51). Armé de platines et de vinyles qu’il maltraite furieusement, ce dernier tisse un écheveau de textures sonores où le bruit le dispute à l’harmonie : un écheveau sur laquelle la pythie new-yorkaise déclame ses textes avec une violence et une tension rapidement contagieuses : son talent de performeuse, la manière dont elle tient la scène, fixant les spectateurs dans les yeux, parviennent bien vite à éclipser des problèmes techniques qui ajoutent à l’ensemble un surcroît de tension.

En comparaison, la prestation de Sir Alice faisait bien pâle figure, en raison principalement de la présence d’un chanteur « performeur » aussi incongru sur scène que Lydia Lunch y semble, elle, dans son élément. Lorsque l’on cultive ainsi une imaginerie sexuelo-martiale à la DAF, il importe d’avoir le charisme ad hoc, ce qui était loin d’être le cas : ne sachant que faire durant les (trop longs ?) passages instrumentaux, mal à l’aise au point de ne même pas relever un pied de micro qui, affaissé dès les premières minutes du concert, l’obligeait à se tenir voûté (ce qui contrastait avec l’image virile que ce performeur masqué et torse nu essayait d’imposer), la présence de cet acolyte s’avérait gênante au point de parasiter l’écoute d’une musique pourtant plutôt intéressante (une électro sale et perverse, mêlant les influences, du post-punk à l’électronica expérimentale). Voilà qui est dommage pour cette musicienne tout à fait attachante et passionnante (dont Mouvement vous a souvent parlé), dont le magnétisme lui permettrait très bien de tenir la scène toute seule ; mais voilà qui n’enlève guère au plaisir de cette soirée enchanteresse, parfait condensé d’audace et d’excellence artistiques. On souhaite à Mégaphone de nous en faire vivre beaucoup d’autres de cette trempe.


> Le festival Mégaphone s'est tenu du 27 juin au 3 juillet à Dijon.

(Lire sur notre site : http://www.mouvement.net/index.php?idStarter=208187)

Artiste(s) : 
Adrien Chiquet directeur de structure
Why note association
David SANSON rédacteur

Publié le 09/07/2009 00:00

Les éditions du mouvement (http://www.mouvement.net)

jeudi 2 juillet 2009

http://www.festivalmegaphone.com/



Janet Cardiff and George Bures Miller